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Médecins et médias numériques (Ordre)
16/02/2015 - 11:34
Photo: Shutterstock

Le Conseil national rappelle les règles générales en matière de protection de la vie privée qu'un médecin doit respecter lorsqu'il utilise les différentes applications numériques, surtout quand il s'agit de données de santé couvertes par le secret médical.

Actuellement, le cabinet médical n'est plus limité aux murs de la pièce où le médecin pratique la médecine. Le médecin est de plus en plus confronté à des applications électroniques qui visent à diminuer la charge administrative liée à l'exercice de la médecine telles que l'informatisation du dossier du patient, l'évolution récente dans le domaine des attestations de soins donnés, etc.

L'informatisation de la société impose au médecin de devenir actif dans le monde virtuel d'Internet, par son propre site, des forums médicaux et les médias sociaux.

Les présentes recommandations ont pour but de d'orienter les médecins dans les méandres de la digitalisation de l'exercice de la médecine.

Elles traitent notamment de :

1. la gestion de sites Internet par des médecins ;

2. l'utilisation des médias sociaux ;

3. le contact en ligne entre le médecin et le patient.

Ces recommandations ont été élaborées après consultation de règles en vigueur dans les pays voisins (Koninklijke Nederlandsche Maatschappij tot bevordering der Geneeskunst (1), British Medical Association et General Medical Council (2)), et pour le Conseil européen des Ordres des médecins (3) en termes de télémédecine. D'autres avis existants du Conseil national de l'Ordre des médecins, mis éventuellement à jour, ont été pris en considération.

Avant d'aborder ces thèmes, le Conseil national rappelle les règles générales en matière de protection de la vie privée qu'un médecin doit respecter lorsqu'il utilise les différentes applications numériques, surtout quand il s'agit de données de santé couvertes par le secret médical :

- le traitement de données de santé ne peut se faire que dans l'intérêt du patient sans préjudice du droit au respect de la liberté de chacun de maîtriser l'information le concernant.

- les réseaux informatiques utilisés doivent être suffisamment protégés, régulièrement contrôlés sur des fuites et un accès à l'aide de l'eID doit être prévenu

- le médecin doit utiliser un mot de passe suffisamment performant

- il doit utiliser un programme anti-virus adapté et toujours mis à jour

- il doit clôturer soigneusement le programme à la fin des tâches

- il ne peut travailler qu'avec des sociétés qui garantissent contractuellement la confidentialité

- il n'utilise, dans la mesure du possible, son ordinateur qu'à des fins strictement professionnelles

Des informations plus détaillées au sujet du traitement de données à caractère personnel en général figurent dans le document « Mesures de référence en matière de sécurité applicables à tout traitement de données à caractère personnel » (4) .

1. Médecins et sites Internet

De plus en plus de sites Internet apparaissent qui reprennent les nom et adresse, lieu de travail et parfois des informations plus spécifiques concernant des médecins (curriculum vitae, publications, photos, etc.). Si certains médecins communiquent leurs coordonnées à titre individuel, d'autres, et c'est le cas le plus fréquent actuellement pour les médecins spécialistes, le font, en revanche, au sein d'un site plus global élaboré au nom d'une association scientifique ou d'une institution de soins. Les cliniques ou hôpitaux développent également des sites qui reprennent des listes de médecins avec leur spécialisation.

Beaucoup de sites Internet contiennent accessoirement des références à des sociétés commerciales (logos ou textes), qu'il s'agisse de sociétés pharmaceutiques ou d'autres, ou présentent, dans la marge, des textes et/ou des photos publicitaires.

La création d'un site Internet par un médecin, dans le cadre de son activité médicale, ne peut avoir d'autre but que d'informer le public de son activité professionnelle. Les sites Internet « de ou traitant de » médecins ne peuvent présenter de caractère commercial ou publicitaire.

Il est indiqué d'insérer une clause de non-responsabilité sur le site Internet après avoir fait connaître que les données personnelles du patient sont traitées avec précaution et respect envers le secret professionnel.

Lorsqu'un médecin constate la publication d'informations professionnelles à son sujet sur un site Internet a contrario avec les dispositions déontologiques, il doit prendre les mesures nécessaires à la suppression desdites informations.

1.1 Informations pouvant figurer sur le site Internet du médecin

Le médecin doit toujours être conscient des conséquences de la mise en ligne de certaines informations. Les informations publiées doivent être véridiques, objectives, pertinentes, vérifiables, discrètes et claires.

Compte tenu du but recherché par un médecin en créant un site, l'apport notamment des informations suivantes, destinées au public, se justifie :

● nom et prénom ;

● titres officiels légaux ;

● spécialité exercée selon les recommandations du Conseil national ;

● mentions destinées à faciliter la relation médecin-patient ;

● photo du médecin aux dimensions raisonnables ;

● renseignements relatifs à l'adresse et à l'accès au cabinet ;

● téléphone, fax, adresse e-mail ;

● horaires des consultations et visites ;

● conventionnement et tarifs ;

● instructions liées à la continuité des soins ;

● un logiciel de prise de rendez-vous est autorisé s'il assure la confidentialité du nom des patients inscrits ;

● une photographie de l'accès au cabinet.

Il est conseillé à tout médecin qui mentionne son adresse e-mail de n'en faire usage qu'à des fins administratives et non pas, en principe, à des fins médicales telles que la dispensation de données ou d'avis médicaux. (cf. point 3 - Télémédecine)

1.1.1. Liens vers d'autres sites

Tout lien potentiel à d'autres sites n'est autorisé que dans la mesure où ces derniers observent également les mêmes critères. Sont autorisés les liens à des associations professionnelles ou scientifiques ainsi que ceux renvoyant à des informations validées pour les patients.

1.1.2 Publication du rôle de garde

La publication du rôle de garde sur un site Internet est envisageable à condition de recueillir l'accord unanime des médecins qui participent au service de garde en question et de respecter les règles déontologiques en matière de publicité. Toutes les mesures doivent être prises pour que cette liste soit mise à jour en temps réel.

1.1.3. Annonces de recrutement de patients pour une étude clinique

Même si la publication d'annonces sur des sites Internet de ou pour des médecins est normalement interdite, il n'y a pas d'objection à ce qu'un médecin investigateur procède par annonces au recrutement de participants à une étude scientifique médicale. L'annonce doit être conforme à l'éthique et à la déontologie ; elle ne peut être trompeuse ni contenir de la publicité pour le médecin investigateur, pour l'établissement de soins dans lequel les essais cliniques doivent se dérouler ou pour le responsable de cette étude. Il ne peut être fait référence au nom du promoteur comme il n'est pas davantage acceptable que le promoteur donne de la publicité à des expérimentations en cours via son site web.

Le mode de recrutement des participants doit figurer dans le protocole de l'étude biomédicale à l'attention du comité d'éthique médicale. Pour son évaluation, cette commission est censée s'appuyer sur des normes internationalement acceptées.

1.1.4 Sites Internet monopolisateurs

Tout médecin est, en règle générale, libre de choisir une adresse pour son site Internet pour autant que ce choix ne constitue pas une forme de concurrence déloyale ou ne renvoie pas à une discipline ou une technique. Conformément au Code de déontologie médicale, en effet, le médecin doit faire preuve de grande discrétion lors du choix de son adresse Internet quant au lieu où il exerce son activité. Cette obligation déontologique est, en outre, dictée par l'esprit de loyauté dont il doit faire preuve envers ses confrères en vertu de l'article 19 dudit code.

1.2. Informations non opportunes sur le site Internet du médecin

Toute information qui ne respecte pas les règles déontologiques relatives à la publicité et dépasse ainsi le but de la création d'un site médical est prohibée. Tel est certainement le cas d'informations visant le rabattage de patients, la limitation de leur libre choix, ou qui portent atteinte à l'intérêt de la santé publique ou au secret professionnel.

Sur un plan déontologique, sont notamment interdits :

● toute forme de publicité trompeuse ou comparative ;

● un tarif comparatif des honoraires ;

● l'incitation à la réalisation d'investigations ou de traitements superflus ;

● les publications, les conférences et autres communications sans caractère scientifique ou qui poursuivent un but commercial ;

● la publication de témoignages de patients ;

● la communication de données couvertes par le secret médical, à moins qu'elle ne soit suffisamment sécurisée ;

● l'utilisation de « cookies » ou de tout autre outil visant à identifier ou à profiler les visiteurs d'un site Internet à leur insu.

1.3 Déclaration obligatoire

Les médecins qui disposent d'un site Internet ou qui se proposent d'en créer un doivent soumettre leur projet à l'approbation du conseil provincial.

La déclaration est obligatoire pour tout site portant des informations relatives à un ou des médecins, qu'il soit exploité par les médecins en leur nom ou au nom d'un non-médecin, d'une société ou d'une institution.

Elle concerne également toute modification sensible de contenu d'un site Internet déjà déclaré.

Lors de la réception de cette déclaration, le conseil provincial examine la conformité du site avec les dispositions déontologiques, en particulier en ce qui concerne la publicité, et formule, le cas échéant, des recommandations.

Lorsque le site Internet d'un médecin ou d'un groupe est dépendant d'un fournisseur de services ou d'une autre société, les relations entre médecins et personnes ou société doivent faire l'objet d'une convention soumise à l'approbation du conseil provincial.

2. Les médecins et les médias sociaux (5)

2.1 Introduction

Ces dernières années, la popularité des médias sociaux a rapidement augmenté. Des sites comme Facebook, LinkedIn et Twitter sont largement utilisés par les médecins et il y a un nombre croissant de blogs et de forums Internet spécifiquement axés sur les professions de santé.

Les médias sociaux permettent aux médecins d'être (professionnellement) présents en ligne. Cela peut favoriser la confraternité au sein du groupe professionnel.

Même si les médecins devraient être libres de profiter des nombreux avantages personnels et professionnels que les médias sociaux peuvent offrir, ils doivent être conscients des éventuels risques y afférents.

2.2 Garantir la confidentialité

Les médias sociaux, par des blogs et des forums, peuvent offrir un espace aux médecins pour discuter de leurs expériences dans la pratique clinique. Vu que du matériel publié sur Internet apparait souvent dans le domaine public, il est important que les médecins fassent preuve de suffisamment de prudence lorsqu'ils discutent de détails en rapport avec des cas médicaux spécifiques. Les médecins ont l'obligation légale et déontologique de garder le secret sur les données médicales des patients. Publier des informations identifiables au sujet de patients sans leur consentement sur des blogs, forums médicaux ou des réseaux sociaux constitue une violation du secret professionnel. Bien que la plupart des médecins n'aient pas l'intention de violer le secret professionnel, ils doivent être mis en garde du risque lié au partage des informations identifiables de patients qui pourraient être saisies par des tiers. Même si l'existence de pièces séparées au sujet d'un patient n'est pas de nature à faciliter l'identification de ce dernier, l'assemblage de ces pièces va, de plus, mener à cette identification et donc, à la violation du secret professionnel.

2.3 Préserver les frontières dans la relation médecin-patient

2.3.1 Demande d'ajout à une liste d'amis

Il peut arriver que des médecins aient pour amis également certaines de leurs patients. En pareil cas, les médecins doivent être conscients des barrières à ne pas franchir et se montrer attentifs à un caractère « professionnel » de la relation de soins. Vu la grande accessibilité des données personnelles, le fait de nouer des relations informelles avec des patients sur des sites Internet tels que Facebook peut augmenter le risque que la limite entre vies privée et professionnelles ne s'estompe ou ne soit franchie, et ce en particulier dans les cas où il n'existait qu'une relation professionnelle entre le médecin et le patient auparavant.

Les médecins recevant des demandes d'amis d'ex-patients ou de patients actuels doivent les refuser poliment vu qu'il serait déplacé, pour eux de les accepter.

2.3.2. Un profil professionnel

Certains médecins créent un profil en ligne qui se limite exclusivement à une page professionnelle ou adhèrent à un réseau social professionnel. Les patients peuvent alors effectivement devenir ami ou fan de cette page professionnelle, qui ne contient que des informations pertinentes pour la pratique professionnelle du médecin et qui satisfait aux obligations légales et déontologiques en matière de publicité.

D'autres médecins se présentent, toutefois, sous la même identité, sur Twitter, en tant que personne privée et en tant que professionnel. Sans faire l'objet d'une interdiction, la démarche accroît le risque potentiel de mélange entre la communication professionnelle et celle d'ordre personnel. À dire vrai, les médecins doivent veiller à une distinction permanente entre leurs deux profils.

2.3.3. Pseudonymes

Au point de vue pénal, il est interdit de prendre une autre (fausse) identité sous laquelle l'on pourrait s'exprimer ouvertement sur les médias sociaux (art. 231 du Code pénal).

Il est cependant admis d'opérer sous un pseudonyme ou un « avatar » dans le cadre privé si l'on veut rester actif sur certains médias sociaux. L'utilisation de pseudonymes et d'avatars sert, en règle générale, à protéger sa véritable identité et permet de demeurer actif sur les médias sociaux sans, pour autant, mêler les sphères privée et professionnelle.

L'utilisation de pseudonymes et d'avatars n'est, toutefois, pas admissible dans la sphère professionnelle.

2.3.4 Informations personnelles au sujet du médecin

Pour qu'un médecin puisse continuer à faire preuve du professionnalisme requis, il doit rester, en outre, suffisamment objectif vis-à-vis de ses patients. Les médias sociaux ont pour effet d'estomper les frontières entre la vie privée et la vie professionnelle. Les médecins ne se rendent souvent pas compte que les données personnelles qu'ils veulent partager avec des amis est sont accessibles à un public beaucoup plus large et, qu'une fois mis sur Internet, il n'est plus possible de les enlever. Alors que lors de contacts personnels, les médecins peuvent gérer le partage d'informations à leur sujet avec des patients, cette information est, par contre, beaucoup plus difficile à gérer sur les médias sociaux.

C'est pourquoi il est indiqué, pour un médecin, d'avoir un profil personnel aussi discret que possible sur les médias sociaux et de contrôler régulièrement la teneur de l'information personnelle et professionnelle sur sa propre page et - autant que possible - l'exactitude et la pertinence des informations publiées par d'autres à son sujet.

Il est dès lors conseillé de ne jamais publier, sur des médias sociaux, des informations (professionnelles et privées) susceptibles de suivre leur propre chemin, voire d'être retirées de leur contexte.

2.3.3. Paramètres de vie privée

Certains médias sociaux ont des paramètres de vie privée qui permettent aux utilisateurs de contrôler et de limiter qui a accès à leurs informations personnelles. Les paramètres standards de ces sites rendent souvent possible le partage de différents types de contenu en dehors du réseau personnel d'amis. 

Il est important que les médecins se familiarisent avec les règles relatives à la protection de la vie privée des différentes applications des médias sociaux et adaptent les paramètres de sorte qu'ils soient sûrs que leur contenu est protégé selon leurs souhaits ainsi que leur profil privé et professionnel.

Il est conseillé d'opter pour les paramètres de vie privée les plus stricts possibles.

De plus, les médecins sont tenus de contrôler de façon régulière les paramètres de vie privée utilisés afin de vérifier s'ils sont bien conformes au niveau de protection qu'ils ont choisi.

Par ailleurs, ils doivent s'assurer que le média social choisi n'a pas entretemps adapté ces paramètres, faisant apparaître une incompatibilité avec les règles déontologiques, Si un médecin constate une telle incompatibilité, il doit prendre les mesures nécessaires pour adapter ces paramètres.

En cas d'impossibilité de les adapter afin de rendre l'utilisation du média social conforme aux obligations déontologiques, le médecin doit (faire) détruire son compte et son contenu.

Cependant, il n'est pas possible de masquer ainsi tous les contenus sur les médias sociaux, certains n'ayant pas de paramètres de vie privée flexibles.

Pour celui qui ne souhaite vraiment pas que certaines personnes prennent connaissance d'une information, le plus simple est de ne pas la diffuser en ligne.

2.4. Critique

Il est important que les médecins puissent s'engager complètement dans des débats qui ont une influence sur leur vie professionnelle. Internet est en plus le forum par excellence. La liberté de s'exprimer sur des forums et des blogs n'est cependant pas absolue. Elle trouve sa limite dans la nécessité d'éviter de porter préjudice aux droits et à la réputation d'autrui. En postant un message en ligne, l'on peut se sentir moins inhibé et dire, par conséquent, des choses que l'on ne dirait pas dans un autre contexte.

Bien que les discussions en ligne entre confrères sur des patients et les expériences pratiques puissent présenter un avantage éducatif aussi bien que professionnel, il faut éviter les discussions informelles au sujet de patients sur des forums publics sur Internet. Même si les médecins postent des propos de façon anonyme ou sont convaincus que ces derniers ne menacent pas le secret professionnel, ils doivent faire preuve de prudence et prévoir une éventuelle perception de forme. Ainsi, doivent-ils considérer le préjudice potentiel qu'ils pourraient causer à la confiance publique envers le corps médical.

Ils doivent éviter de faire des remarques négatives inconsidérées ou non fondées à propos d'individus ou d'organisations. Omettre de mentionner un conflit d'intérêts sape non seulement la confiance publique envers le corps médical, mais compromet aussi le professionnalisme des médecins.

Si un médecin a une critique à formuler sur un confrère, il doit d'abord en référer au confrère en question.

Les règles en matière de diffamation (6) sont également applicables à tout commentaire posté sur Internet, qu'il soit fait dans la sphère personnelle ou professionnelle. Elle peut donner lieu à une procédure judiciaire.

Même si un patient peut s'exprimer librement sur les médias sociaux au sujet de son état de santé, de son traitement et même du médecin choisi, ce dernier n'est pas autorisé à réagir en raison du secret professionnel médical. Un patient qui se plaint sur un forum Internet d'un traitement ne sera que dirigé vers les instances actuelles du service de médiation prévues à cette fin par la loi.

3. Les médecins et la télémédecine

Vu l'expansion d'Internet, le préfixe « télé » (téléradiologie, télédermatologie, télécardiologie, etc.) fleurit dans différentes disciplines médicales.

S'il faut éviter que ces formes de médecine entraînent la déshumanisation de la relation médecin-patient ; ces technologies peuvent, néanmoins, contribuer à l'amélioration des soins de santé.

3.1. Télémédecine (7)

3.1.1 Avis par téléphone

La forme la plus répandue de télémédecine est aujourd'hui « l'avis par téléphone. » Entrant de plus en plus dans les mœurs, il est perçu par le patient comme étant pratique, facile et comme un droit acquis. Il ne fait pas de doute que des patients peuvent appeler leur médecin pour lui adresser une « question pertinente » ou lui demander un avis peu de temps après la consultation. En revanche, la demande d'un conseil par téléphone, en cas de maladie aiguë, pour éviter une consultation, est en train de devenir une réalité quotidienne qu'il faut freiner dans la mesure du possible.

Aux yeux de bon nombre de médecins, cette consultation téléphonique « infondée » dérange, fait perdre du temps, est dangereuse et inutile en raison du manque d'éléments essentiels dont l'examen clinique est et reste la pierre angulaire.

Le patient doit se rendre compte que le fait d'appeler directement, alors que le médecin consulte, dérange et perturbe à la fois le médecin et le patient venu le consulter.

Le médecin ne peut donner d'avis qu'à un patient connu et identifié, après l'avoir examiné et dans le cadre de la continuité des soins (ex. : évaluation, adaptation de la médication, effets secondaires, ...).

ll n'existe pas de code dans la nomenclature INAMI pour la facturation d'honoraires pour un avis médical par téléphone. Dans la mesure où l'on pourrait facturer quelque chose au patient pour un tel avis, ce dernier ne pourra, dès lors, de toute façon pas être remboursé.

À l'égard d'un patient inconnu et non identifié (situation se présentant pendant les gardes), l'avis téléphonique doit rester bref et prudent et un contact en consultation avec le patient doit être proposé.

Le patient doit être informé du fait qu'il est impossible au médecin d'établir un diagnostic sans anamnèse et sans examen physique. Interpréter au téléphone des symptômes (aigus) comporte des risques d'erreurs et met en danger la santé publique.

Dans les deux cas, il est conseillé de consigner l'appel dans le dossier ou, le cas échéant, dans le rapport de la garde.

3.1.2. Avis électronique et prescription

Un médecin actif sur Internet est aussi, de plus en plus souvent, confronté à des demandes d'avis médical par e-mail ou réseaux sociaux. Les contacts électroniques entre médecin et patient doivent se limiter à l'échange d'informations administratives.

Un médecin ne peut répondre à la question d'un patient qu'à condition d'être son médecin traitant et que cela concerne un avis médical dans des cas non urgents. Il ne peut, en outre, s'agir que d'information venant en complément des informations données en consulter. Établir un diagnostic n'est pas autorisé. À cet effet, le patient devra toujours venir en consultation chez le médecin.

Cela n'empêche qu'un médecin qui a rendu publique son adresse e-mail ou qui est actif sur les médias sociaux permettant aux patients de poser directement des questions doit répondre aux e-mails et questions dans un délai raisonnable.

L'envoi électronique d'une prescription constitue une exception. Dans le cadre de l'utilisation de Recip-e (davantage d'informations à ce sujet sur recip-e.be/home-fr/), il est conforme à la déontologie que le patient, sur la base d'une telle prescription électronique obtienne des médicaments chez un pharmacien, et ce sans avoir reçu de prescription à la sortie d'une consultation chez le médecin.

L'envoi électronique au patient d'un renouvellement d'ordonnance est également autorisé. Le fait de renouveler une prescription fait, en effet, partie d'un traitement prolongé pour lequel le patient est déjà venu en consultation. En pareil cas, il peut suffire, moyennant des garanties de sécurité et de secret médical, d'envoyer ce renouvellement par voie électronique au patient.

3.1.2. Triage

Depuis peu de temps, des médecins exerçant en solo ou en groupe canalisent les flux téléphoniques vers des assistants et des centres d'appel ou de « triage ». Ainsi, le médecin peut-il, consacrer le maximum de temps disponible au patient venu en consultation.

Pour l'organisation du travail avec des intermédiaires, il faut prévoir une convention offrant les garanties de qualité nécessaires comme la définition précise des tâches, la transmission obligatoire de l'information, le suivi et le feedback, etc. Cette convention doit aussi contenir des exigences déontologiques minimales comme le libre choix du patient, le devoir de réserve, l'autorité effective sur le plan médical, etc. Elle doit être soumise au contrôle préalable du conseil provincial compétent.

3.2. Télémonitoring

3.2.1. Monitoring à distance

Le télémonitoring est la surveillance de paramètres médicaux par un médecin depuis son cabinet d'un patient qui se trouve à distance. Des résultats biomédicaux objectifs sont transmis au médecin qui les interprète.

Lorsqu'un médecin estime que la télésurveillance est nécessaire dans le cadre d'un traitement de longue durée (p.ex. : pour le traitement d'un patient atteint d'insuffisance cardiaque), le médecin peut demander lui-même au patient une rétribution équitable pour le travail presté, à savoir la supervision et la réaction aux alarmes. Il doit, cependant, informer le patient au préalable des dispositions à prendre lors d'alarmes et de situations urgentes.

Le médecin veillera à ce que l'entreprise qui fournit les appareils prévoie les garanties nécessaires concernant la sécurité biotechnique et l'entretien des moniteurs ainsi que la disponibilité permanente des signaux enregistrés.

3.2.2. Vidéoconférence

Parallèlement au télémonitoring, il faut aussi envisager l'usage de la vidéoconférence dans les soins de santé à domicile de patients chroniques. Dans de telles situations, la vidéoconférence entre des prestataires volontaires de soins et un patient chronique rompt l'isolement de ce dernier et ouvre de nouvelles perspectives au développement de réseaux sociaux dans un cadre de soins.

Une liaison électronique suffisamment sécurisée doit être prévue afin de garantir la confidentialité des informations échangées via cette forme de communication. En outre, le patient doit avoir la possibilité de sortir, à tout moment, du projet sans retombée quelconque sur les soins

3.2.3. « Applis » médicales

Récemment, le développement de nombreuses applications (applis) médicales a permis de faire évoluer le domaine du télémonitoring. Le médecin doit s'assurer de la qualité des « applis » en collaboration avec les associations scientifiques, les instances de formation et les universités et être fermement convaincu de la sécurité et de la protection du secret professionnel avant de choisir, en accord avec le patient, cette forme de télémonitoring.

3.3. Téléconcertation

La concertation entre médecins au sujet d'un patient ne se fait plus uniquement entre les murs d'une même institution de soins. Il arrive régulièrement que des médecins d'un autre hôpital ou même d'un autre pays ayant une expérience spécifique entrent en concertation afin de discuter de la situation médicale d'un patient déterminé. Comme cette concertation ne peut que contribuer à l'amélioration de la qualité des soins et du traitement, elle tient une place indispensable dans la dispensation des soins de santé à l'heure actuelle. Grâce à elle, le réseau d'expertise médicale devient illimité.

La téléconcertation, dont la vidéoconférence entre médecins est la forme principale, doit dès lors être accueillie favorablement et même stimulée pour autant qu'elle puisse avoir un effet positif sur le traitement du patient. Une telle vidéoconférence doit cependant toujours se tenir entre des médecins qui, chacun de leur côté, peuvent garantir le respect de la vie privée du patient. Dès lors, cette vidéoconférence ne peut avoir lieu que dans les mêmes conditions (déontologiquement justifiées) qu'une concertation physique et requiert au moins la vérification de l'identité de l'interlocuteur ainsi que la preuve de son statut de médecin. Lorsque, dans la mesure du raisonnable, de telles circonstances ne peuvent pas être réunies, la vidéoconférence doit être reportée à un moment où elles seront effectives.

3.4. Stocker des données de santé sur un serveur partagé (« in the cloud »)

A la suite de l'informatisation de la pratique médicale, les médecins ont de moins en moins recours aux documents papier et privilégient l'enregistrement de toutes les données, personnelles et de santé, de leurs patients sur leur ordinateur. Afin de disposer d'une copie de sauvegarde de ces données pour le cas où leur ordinateur les lâche, certains médecins sauvent ces données une deuxième fois sur un serveur partagé (« in the cloud »).

Sauvegarder des données de santé « in the cloud » demande toutefois une procédure de sécurité poussée pour préserver le secret professionnel et les informations relatives à la vie privée du patient. Il est alors notamment capital de savoir où se trouve le serveur sur lequel l'information est stockée, comment les données de santé sont sauvegardées (encryptage) et quelle législation s'applique au traitement de données de santé. Des données médicales peuvent uniquement être confiées pour stockage à des sociétés établies dans l'Union européenne et conformes à la directive 95/46/UE adoptée par le Parlement européen et le Conseil du 24 octobre 1995 quant à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281 du 23 novembre 1995). Une convention entre le médecin et la société doit reprendre les règles applicables en matière de sécurité et de confidentialité.

Des évènements récents ont démontré la vulnérabilité des informations sauvegardées électroniquement. Pour cette raison, le médecin ne pourrait être trop prudent pour stocker des données personnelles et, particulièrement, des données de santé.

1. http://knmg.artsennet.nl/Publicaties/KNMGpublicatie/62422/Richtlijn-online-artspatient-contact-2007-met-aanvulling-Handreiking-Artsen-en-Social-Media-2011.htm

2. http://www.gmc-uk.org/guidance/ethical_guidance/21186.asp

3. http://ceom-ecmo.eu

4. 
http://www.privacycommission.be/fr/

5. Le terme de "médias sociaux" vise les plates-formes en ligne (réunissant des OU avec les) réseaux sociaux au sein desquels les utilisateurs veillent tous ensemble au contenu.

6. La diffamation sous-entend l'adoption d'une position abusive pouvant nuire à la réputation d'une personne.

7. cf. « Telefoongeneeskunde kan uw gezondheid ernstige schade aanrichten » Mededelingen Brabant (N) / Symposium du 15 octobre 2005 (La médecine par téléphone peut nuire gravement à votre santé)