Formulaire de recherche

Soigner son informatique plutôt que ses patients?
28/10/2015 - 03:02

comments

7

Tribune Libre Dr. Claude Dawance

Je suis une adepte du progrès que peut nous apporter l’informatique, je fus une des premières à m’équiper d’un logiciel de gestion de dossiers médicaux à une époque où les logiciels étaient encore écrits en Dos, c’est dire à quand ça remonte. J’utilise sans problème et de manière intuitive des tas de logiciels et j’y prends du plaisir. C’est dire que je ne suis pas un dinosaure passéiste qui refuse d’utiliser le numérique.

Mais il y a des jours, hélas de plus en plus nombreux où une informatique capricieuse me pompe l’air. Ce matin, mon premier patient entre. En bon élève, je veux vérifier ses données de mutuelle et son assurabilité. Je clique sur le bouton ad hoc et là tout se plante, plus aucun bouton, aucune commande ne répondent, même pas le sésame Contrôle/Halt/Deleat. Rien, nada, nothing. Je dois débrancher le PC pour l’arrêter et même enlever la batterie du portable. Je m’excuse auprès du patient, je remets en route et là bien sûr le PC me dit qu’il s’est arrêté intempestivement et doit faire une vérification complète des fichiers. Il me semble que ça dure au moins 10 minutes qu’il s’agit de meubler auprès du patient qui est incapable de me dire s’il est Vipo/Omnio/Bim. Je lui demande sa vignette , il n’en a pas alors qu’un panneau de 30cm/20 cm sur ma porte d’entrée indique depuis le mois de juin que, dorénavant, une vignette est obligatoire à chaque consultation. Je lui demande dès lors combien il retouche quand il vient chez moi, il n’en a aucune idée, c’est sa fille qui s’occupe de ses papiers et envoie toutes les attestations quand il y a en a quelques-unes. Ca y est mon PC a fini ses vérifications, je relance Windows, faut compter 3 à 4 minutes encore. Je demande un peu de patience à mon patient qui porte si bien son nom. Je n’ose commencer à l’examiner car je dois garder un œil sur le PC pour ne pas rater le passage à la fenêtre suivante, ce qui risquerait encore de me faire perdre trop de temps. Alors, tout en gardant un œil sur le PC je lui demande ce qui lui faut comme médicaments. Il me dit qu’il lui faut de tout. Oui mais tout quoi ? Il ne sait pas mais c’est dans l’ordinateur me rétorque-t-il avec appoint. Oui mais justement je n’ai pas accès dans l’immédiat et si je me souviens bien de l’une ou l’autre partie de son traitement, je me souviens aussi que c’est pour pallier à ma mauvaise mémoire que je fus une des premières à m’informatiser. Ah voilà que Windows a fini de s’ouvrir, je peux lancer mon logiciel médical qui lui aussi me signale une fermeture intempestive qui mérite de vérifier tous mes fichiers. En rigolant jaune, je signale à mon patient dont les yeux sont comme des boules de billards face à mes problèmes informatiques, que d’ici peu on pourra commencer à faire de la « vraie » médecine, ce qu’on finira par faire en beaucoup moins de temps que celui qu’il m’aura fallu pour accéder à son dossier.

Avant de recevoir le patient suivant, j’essaye avec un autre dossier d’accéder à Mycarenet car l’expérience de la semaine passée me laisse entrevoir que les demandes d’accès ne plantent pas mon PC deux fois de suite. Et là devant mes yeux ébahis s’ouvre une fenêtre qui me dit que la vérification des données a échoué, que je dois vérifier la validité de mon certificat eHealth. Inutile de m’énerver davantage finissons de voir les patients et attendons midi pour débrouiller le problème et tant pis pour la vérification et la facturation des tiers payants.

Une fois dans mon privé, j’attaque les recherches quant à l’origine du problème de certificat. J’ai pourtant déjà tenté de désactiver le pare-feu et l’antivirus, arrêter, redémarrer le PC, rien de change. Il me revient alors à l’esprit que j’ai un logiciel appelé Hector Health Connect qui sert d’interface pour les messages qu’eHealth pourrait m’envoyer. Je ne l’ouvre jamais car avec la Hotline de mon logiciel médical, nous avons remarqué qu’il ralentissait très fort l’ouverture de mon dit logiciel. Il paraît que ça n’arrive que chez moi…

Je tente d’ouvrir ce brave Hector quand une fenêtre s’ouvre pour me dire que je n’ai pas la dernière version de Java qui est nécessaire au bon fonctionnement de ce cher Hector. Ce qui m’étonne, car il n’y a pas longtemps que j’ai fait une mise à jour.  Je clique pour accepter le téléchargement de la mise à jour. S’en suit une barre verte de téléchargement qui gagnerait le concours de lenteur avec un escargot. Faut dire pour ceux qui habiteraient la capitale ou autre grande ville que dans ma campagne nous ne jouissons pas encore du VDSL qui permet à tout un chacun (sauf moi et quelques-uns de mon quartier) de bénéficier d’une connexion rapide. Nous sommes toujours en ADSL et ISDN. On nous l’avait promis en juin 2015 mais tels les convoyeurs, on attend toujours. Pendant ce concours d’escargots, une angoisse me prend qu’une série de fenêtres ne s’ouvrent pour me poser des questions qui dépassent mon entendement. Ce qui ne manque pas d’arriver avec des choix cornéliens où il me faut répondre que je le veuille ou non. Pour, de toute façon, aboutir à un message qui me dit que mon système est obsolète et ne peux installer Java8 (que je pensais cependant avoir installé naguère avec une hotline qui avait aussi peiné sans pouvoir me dire pourquoi) Puis s’ouvre une fenêtre qui me dit que si je désinstalle toutes les versions antérieures de Java, « ON » pourra peut-être faire quelque chose pour moi. Choix angoissant s’il en est car mon certificat et mon Hector fonctionnaient hier avec la version installée. Quid si plus rien ne fonctionne et que Java 8 refuse de s’installer ?

Le téléchargement terminé une série de fenêtres me posant des questions obscures s’ouvrent, je n’ai d’autre choix que de cliquer sur « suivant » sans comprendre et miracle, on dirait que Java 8 s’est installé après une demi heure d’énervements. Merci les dieux de la Grèce antique, de l’Egypte ancienne, merci les dieux qu’on ne peut nommer et ceux qu’on ne peut dessiner. Alléluia je peux m’attaquer à la mise à Jour de ce sacré Hector, sésame pour eHealth peut-être...

Hector s’ouvre effectivement cette fois-ci sur une boite de réception qui me dit qu’il y a 3 messages non lus. Je clique sur le premier pour l’ouvrir et là, oh stupeur, une fenêtre s’ouvre pour me dire « Aucun message reçu » ! Stupeur et tremblements car j’ai bien vu 3 messages non lus il y a 3 secondes! Impossible de revenir à la fenêtre que me montrait ces 3 enveloppes non encore ouvertes. Mais un cadre s’ouvre me signalant qu’il y a une version plus récente d’Hector. Et voulez-vous la télécharger ? Et bien voilà qui va peut-être résoudre des problèmes. Je clique pour mettre à jour et ne peux que répondre « suivant » à toutes les fenêtres me posant des questions que je ne comprends pas. Ne désespérons pas, l’escargot vert a fini sa lente course et a fini d’installer mon nouvel Hector.  Apparaît enfin le bouton « Terminer » la fin de mes misères ? Et là, je n’arrive pas à croire ce que je viens de lire « Il existe une nouvelle version, voulez-vous la télécharger » ! Non, je rêve, ce n’est pas possible, n’est-ce pas ce que je viens de faire à grand peine ? Peut-être que j’avais ouvert tantôt deux fois la même chose ? Mais non, la sus-dite version est plus lourde que la précédente, ce n’est donc pas la même. Allons-y pour l’escargot vert et les fenêtres narquoises. Je remets donc à jour une fois de plus, Ce poli logiciel me demande avec une courtoisie non feinte si je veux qu’il place une icône sur mon bureau, je réponds par l’affirmative, ça me fera gagner du temps et ça ne mange pas de pain.

Mon tout nouvel Hector fringuant et triomphant s’ouvre enfin. Un petit message en bas de page attire mon attention « Certificat eHealth valide » Est-ce grâce à mon Java et à la mise à jour d’Hector ? De prime abord, je ne vois pas le rapport mais sait-on jamais ? Vite rouvrir mon logiciel médical et tenter l’ouverture de Mycarnet ! Et là gros soupir, oh rage, oh désespoir, le même message de certificat invalide. Peut-être pour finaliser les mises à jour faut-il relancer le PC ? Aussitôt pensé, aussitôt fait, enfin quand je dis aussitôt ça prend pas mal de temps quand même, et en fin de compte pour rester sans effet sur mon problème : mon certificat est invalide malgré que Hector Health Connect m’assure de sa validité. Et le pire, c’est qu’une petite note en bas de page me dit que je ne suis pas connectée à Internet alors que la dite fonction de connexion me dit que non seulement je suis connectée mais que le signal est excellent !!! J’éteins tout et je rallume, on ne sait jamais. L’espoir fait vivre. Et là je m’aperçois que je n’ai pas la nouvelle icône d’Hector promise pour accéder au logiciel mais de plus l’ancienne icône n’aboutit plus à rien.

Je suis exténuée comme après un marathon, et tout cela pour rien ! Je me demande quand j’aurai encore le temps de pratiquer la médecine car tout cela est chronophage et destructeur de nerfs. Il ne me reste plus qu’à espérer que le site de l’INASTI soit plus accessible qu’eHealth et ses logiciels afin que, dégoûtée,  je puisse demander ma retraite anticipée.

Claude Dawance

> Lire La Libre du vendredi 13 décembre 2002

Commentaire

Soigner son informatique plutôt que ses patients?

C'est tellement vrai, mais malheureusement pas une seule fois, mais très souvent!! Que de difficultés de me connecter à éHealth, d'établir des liens de confiance avec mes patients et des consentements via mon foutu logiciel médical (mais ne sont ils pas tous pareils?) ou est ce le système qui n'est pas au point?! Y'en a marre de perdre mon temps avec tout celà, vivement que tout soit au point et marche pour tout le monde, alors oui ce sera peut être un magnifique outil! Mais en attendant, STOP aux obligations et aux contraintes!!

Soigner son informatique plutôt que ses patients?

pour en remettre une couche,

hier, par 2 fois, mon lecteur de carte ne fonctionne pas, blocage complet de mon logiciel médical, il faut alors éteindre et redémarer l'ordinateur; remettre sa propre carte d'identité pour se re connecter à ehealth avant de lire enfin celle du patient qui avait tout simplement oublié de prendre une vignette...

quand ce n'est pas mycarenet qui ne répond pas ...

je pense qu'il ne se passe pas chez moi un jour sans contrariété informatique

mais on me répondra sûrement que je ne sais pas y faire ...

A Compes 

Soigner son informatique plutôt que ses patients?

Bravo Claude !

Très bel article relatant avec précision et humour ce que la plupart d'entre nous vivent au quotidien. L'intérêt de tous ces outils médico-informatiques est bien réel, mais les problèmes d'utilisation que nous rencontrons sont presque quotidiens, ce qui est extremement inconfortable, particulièrement  en consultation.

Messages d'erreurs incompréhensibles, interruption du service sans explication, lourdeur d'utilisation, systèmes très peu intuitifs : on est loin de l'efficacité des logiciels que nous sommes habitués à utiliser avec plaisir au quotidien !

Luc Vanwelde

 

Soigner son informatique plutôt que ses patients?

Comme Claude, j'ai embrayé dans l'informatique dès les débuts, il y a maintenant 40 ans. Comme Claude, j'adorre les possibilités qu'elle ouvre, sa diversité et ses subtilités sans cesse améliorées.

Mais comme Claude, je suis avant tout médecin, et je sais aussi que le politique nous gouverne avant tout en fonction des budgets votés, et pas en fonction du bon sens donné par l'expérience de terrain ! Ce qui laisse à penser que madame De Block est à présent bien loin des préoccupations de ses consoeurs et confrères.

A telle enseigne qu'elle croit devoir nous imposer des outils informatiques absolument pas finalisés et encore moins rodés, dans l'urgence, ainsi, sur un claquement de doigts ministériels.

Combien de fois ces derniers mois la plate-forme eHealth, MyCarenet en zo voort n'ont-ils pas été indisponibles, alors que nous sommes de + en + obligés de travailler avec (Cfr TPO) ? Sans parler de eFact, qui fait s'arracher les derniers cheveux des téméraires qui ont osé l'aborder !! Il est d'ailleurs tellement évident que ces outils ne sont pas adaptés à une pratique de terrain, que probablement 95% de la profession n'a la moindre idée de comment les mettre en oeuvre, parce que, bien évidemment, nous ne sommes pas formés pour les utiliser ! Juste bons à être responsabilisés !!!

SINISTRE DE BLOCK, ARRETE, TU DEBLOQUES !!!

Denis Botton

 

Soigner son informatique plutôt que ses patients?

Tout-à-fait d'accord avec vous chère Collègue.

L'informatique coûte cher et est une perte de temps, ce que nous ne connaissions pas avec les dossiers papiers !

A quoi bon ces systèmes e-health, mexi, MyCareNet et autres fantaisies qui ne fonctionnent que par caprice.

Un exemple : Mexi (Medibridge, gargarisme informatique) m'envoie régulièrement des protocoles remplis de fautes d'orthographes, toujours les mêmes, récurrentes malgré les interventions des surdoués responsables de ce logiciel. Impossible d'imprimer une telle liste d'aberrations et de le la remettre au patient sous peine de passer pour un crétin ! Ou alors il faut, sommet de l'art, corriger tout le texte en perdant beaucoup de temps à tous les coups !

Et la dernière ministre de la santé publique -qui dépasse en poids l'imbécillité de ces prédécesseur- veut une généralisation de l'informatique en médecine ! Bonjour les dégats...

Ras-le-bol de tous ces diktats, d'autant plus qu'arrivant à l'âge de la pension (en dessous du seuil de précarité) le médecin qui continue à travailler doit continuer à payer des sommes importantes pour alimenter les "caisses de pensions pour travailleurs indépendants", sommes dont ils ne verront jamais l'ombre d'un centime car elles sont destinées à alimenter un fonds de solidarité. De quelle solidarité s'agit-il ???

Avec toutes ma sympathie.

Jacques